Présentation générale
Au quotidien, nous sommes envahis d’informations d’origines
diverses. Face à cette quantité d’informations et à notre capacité de gestion
très limitée, la stratégie principale dont nous disposons est la catégorisation.
Dès lors, lorsque nous percevons un groupe d’individus, nous avons une tendance
spontanée à les catégoriser selon les caractéristiques les plus saillantes dans
le contexte en question. Parmi les nombreuses catégories possibles, certaines
semblent plus saillantes, comme celles du genre et de l’origine ethnique.
Á
titre d’exemple, nous pouvons prendre le cas d’une femme seule parmi un groupe
d’hommes ; celle-ci sera perçue plus nettement en tant que femme.

Par
ailleurs, la catégorisation active automatiquement les représentations liées à
l’appartenance groupale : les stéréotypes, et parmi ceux-ci les stéréotypes de
genre qui ne sont pas sans effets dans le domaine organisationnel. Ainsi, une
expérience menée par Schein (1973) a permis de mettre en évidence le fait que le
manager qui réussit est perçu comme ayant des caractéristiques, des attitudes et
un tempérament proche de celui des hommes en général. Dans une étude
ultérieure, le même auteur montre que même les femmes attribuent au manager
moyen qui réussit des caractéristiques, attitudes et caractères typiquement
masculins (Schein, 1975).

Selon l’étude
de l’ORSE (2004), ce stéréotype associant le poste de dirigeant à la masculinité
constitue sans doute un des obstacles majeurs à la présence de femmes au plus
haut niveau de la pyramide organisationnelle. Ainsi, nous pouvons considérer les
stéréotypes de genre comme l’une des raisons principales du plafond de verre.
Ce phénomène du « plafond de verre » que nous venons
d’évoquer a été utilisé pour la première fois en 1984. Il fait référence à « des
barrières invisibles artificielles, créées par des préjugés comportementaux et
organisationnels, qui empêchent les femmes d’accéder aux plus hautes
responsabilités… Le terme plafond de verre illustre bien le constat que,
lorsqu’il n’existe aucune raison objective pour que les femmes ne s’élèvent pas,
comme le font les hommes, jusqu’aux plus hautes fonctions, c’est une
discrimination inhérente aux structures et aux dispositifs organisationnels des
entreprises, ainsi qu’à la société, qui intervient » (Bureau International du
Travail, 1997, p. 3).

Cependant, certaines femmes parviennent à surmonter ces
obstacles, et accèdent ainsi au milieu masculin et aux postes à hautes
responsabilités. Malgré cette réussite, certains effets négatifs persistent.
Ainsi, S. C. Wright (2001) utilise le terme « tokenisme » pour désigner ces
situations où les frontières entre
deux catégories
sociales sont très légèrement perméables. Dans ces situations, certains membres
du groupe dit « de bas statut » parviennent à se hisser dans les sphères
fréquentées par les membres du groupe de haut statut . Ces rares individus
peuvent être qualifiés de « tokens », et sont aussi parfois appelés « figures de
proue » (Kanter, 1977). Il semblerait par ailleurs que les femmes en position de
« tokens » ne soient pas forcément les plus favorables à des actions positives
vis-à-vis des autres femmes. En effet, ces femmes privilégiées qui ont eu
beaucoup de mal pour parvenir à dépasser le plafond de verre apprécient cette
position d’unique femme parmi les hommes, et font donc tout pour maintenir cette
position de privilégiée. Elles en deviennent des juges plus sévères vis-à-vis
des autres femmes qui tentent de percer le plafond de verre. Ce phénomène est
connu sous le nom du « syndrome de la reine des abeilles » (Staines, Tavris &
Jayaratne, 1974).
Enfin, aussi
pesants que soient ces phénomènes, nous verrons qu'ils ne sont pas pour autant sans
solutions.