Comme le souligne la définition du plafond de verre donnée par
le BIT (1997), il n’existe aucune raison objective à l’existence du plafond de
verre. Nous allons tenter d’expliciter le pourquoi de la non-légitimité de ces
barrières.
Des stéréotypes qui laissent à
désirer
Comme nous l’avons vu, les stéréotypes de genre constituent un
frein majeur à la progression professionnelle des femmes. Toutefois, une
enquête menée par Korn/Ferry et Catalyst (1996) ayant pour but de confronter les
stéréotypes aux faits permet de réfuter bon nombre de ces stéréotypes. Ainsi, la
croyance partagée que les femmes travaillent moins longtemps
que les hommes semble erronée. En effet, selon cette enquête, elles travaillent
en moyenne 56 heures par semaine, tout comme leur homologues masculins. Ensuite,
le stéréotype laissant penser que les femmes sont moins impliquées dans leur
carrière que les hommes porte également à réflexion. Cette enquête montre en
effet que seul un tiers des femmes a déjà pris une absence ou un congé, et si on
fait abstraction des congés de maternité, les hommes ayant participé à cette
enquête ont pris plus de congés et d’absences que les femmes. Concernant la
pensée selon laquelle les femmes ne peuvent pas, ou refusent la mobilité
géographique, elle peut elle aussi être remise en question quand on sait que
14,1% des femmes interrogées avaient refusé une mutation, contre 20% de leurs
collègues masculins. Le stéréotype selon lequel les femmes sont plus
chaleureuses et plus soucieuses des autres que les hommes laisse
également à désirer, puisque seuls 18% des femmes ont cité le point « souci pour
les gens » comme étant important, contre 33% de leurs homologues masculins.
Enfin, comme nous l’avons mentionné précédemment, il existe un stéréotype
laissant penser que les femmes sont moins attirées par le pouvoir et les postes
à responsabilités. Ici aussi, nous pouvons remettre cette croyance en question,
puisqu’une étude citée par l’ORSE et menée par la CFE-CGC14 auprès de ses
adhérentes a permis de montrer que seuls 9% des répondantes partageaient l’idée
selon laquelle elles ne postulaient pas aux postes à responsabilité par choix.
Ceci montre bien que, contrairement au stéréotype, la majorité de ces femmes ont
la volonté d’accéder aux postes de décision.
Femmes aux postes à responsabilité et performances de l’entreprise
Certaines études ont montré que les performances économiques des
entreprises semblent augmenter lorsque celles-ci comptent de nombreux dirigeants
féminins. C’est notamment le cas de l’étude de
Harris, Cannella et Bellinger (1998) portant sur des entreprises faisant partie
des 500 grandes sociétés cotées sur les bourses américaines. Cette étude a
notamment montré que les entreprises qui comptaient le plus de dirigeants femmes
et/ou appartenant à des minorités ethniques présentaient une performance
financière supérieure de 21% à celles qui n’en comptaient pas du tout.

Cependant, certains auteurs laissent entendre que cette augmentation de la
représentation des femmes et des minorités ethniques dans les postes à
responsabilités pourrait en fait être une conséquence, plutôt qu’une cause de
l’augmentation des performances financières de l’entreprise. Face à cette
possibilité, Harris, Cannella et Bellinger (1998) réagissent. D’une part, ils
affirment qu’aucune preuve n’appuie l’hypothèse selon laquelle les entreprises
performantes seraient plus enclines à engager des femmes et des minorités
ethniques dans leurs postes à responsabilités. D’autre part, ils font référence
à certaines recherches qui ont montré que l’engagement de femmes et de minorités
dans ces postes était suivi, dès l’année suivante, d’une amélioration des
performances financières de l’entreprise.
Une
attractivité et une représentativité plus grandes
Harris, Cannella et Bellinger (1998)
affirment que les investisseurs utilisent de plus en plus de critères non
financiers pour prendre leurs décisions d’investissements. Parmi ces critères
figure la représentation des femmes et des minorités dans l’entreprise – et ce,
y compris au niveau des instances dirigeantes. Dès lors, favoriser la
représentation des femmes à tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise
pourrait, en attirant de nouveaux investisseurs, porter bénéfice à l’entreprise
dans son ensemble. Par ailleurs, les mêmes auteurs avancent que l’attention
particulière portée par les médias et les actionnaires sur la question de la représentation des femmes et des
minorités au sein des entreprises peut également être profitable aux entreprises
favorisant la diversité à tous les niveaux hiérarchiques, y compris aux postes de
décision. De telles entreprises pourraient tirer profit de cette situation
pour trois raisons. Premièrement parce que cela permettrait d’améliorer la
réputation de l’entreprise auprès de ses clients, de ses employés, de ses
actionnaires, des communautés, etc. Deuxièmement parce que cela permettrait de
diminuer l’impact négatif sur l’entreprise de la mauvaise publicité émanant des
campagnes publiques relatives à la diversité. Enfin, troisièmement, cela
permettrait de diminuer les coûts engendrés par la prise en compte des
résolutions des actionnaires relatives à la représentation des minorités et des
femmes dans l’entreprise.

Il semblerait également que les entreprises
aient tout intérêt à se structurer selon le profil de leur clientèle, y compris
au niveau des instances dirigeantes. La compétitivité de l’entreprise peut en
effet être augmentée grâce à la diversité à tous les niveaux hiérarchiques.
Morrisson (1992) et Cassell (1996) soutiennent cette affirmation en affirmant,
respectivement, que cela permet de mieux comprendre les préférences et les
attentes des clients, et que cela permet de mettre au point des produits et des
services plus conviviaux pour les femmes.