![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() |
Causes du plafond de verre
Les stéréotypes de genre
Depuis toujours, les stéréotypes de genre attribuent aux femmes
une image de mère/épouse, plutôt qu’une image de travailleuse/dirigeante. Ainsi,
à titre d’illustration les études menées par Catalyst (2001) révèlent l’opinion
publique européenne vis-à-vis de l’intégration des femmes aux positions de
management. D’une part, les européens estiment que la première raison qui fait
que les femmes occupent moins souvent que les hommes des postes de
responsabilité est d’ordre domestique. D’autre part, ils estiment que le milieu
professionnel est dominé par les hommes qui manquent de confiance envers les
femmes. Ces opinions publiques semblent donc bien refléter les stéréotypes de
genre.
Comme nous
l’avons évoqué dans la
présentation générale, l’image du manager ayant réussi est
associée, tant par les hommes que par les femmes à des caractéristiques
masculines (Schein, 1973 ; 1975).
Généralement, une femme ambitieuse ou compétitive n’est pas considérée comme
étant féminine. En effet, ces femmes sont perçues comme étant en rupture avec
leur rôle traditionnel de mère/épouse. Ceci permet de comprendre le fait que
beaucoup de femmes qui ont réussi affirment avoir consciemment adopté un style
« masculin », afin de correspondre aux valeurs attendues par leurs collègues
masculins (S. Belghiti & F. Rodhain, 2000). Néanmoins, E. Duflo (2006) écrit que
le succès de certaines femmes dirigeantes repose notamment sur le fait qu’elles
arrivent à manifester une part d’autorité, tout en préservant leur part de
féminité. En effet, une femme se conformant à l’idéal traditionnel féminin ne
sera pas perçue comme un leader compétent. De même, une femme se conformant à
l’idéal du leader sera pénalisée pour ne pas correspondre à l’idéal traditionnel
de la femme. De plus, les stéréotypes de genre agissent également en début de carrière. En effet, dès ce moment-là, hommes et femmes se voient attribuer des responsabilités consistantes avec les stéréotypes de genre. Ces différences impliquent donc une inégalité de rémunération entre hommes et femmes. Outre ces différences de salaire, ce traitement différentiel aura pour conséquence une perspective de carrière différente entre hommes et femmes : ces dernières seront souvent écartées des postes à hautes responsabilités (A. Chant & J. Lee, 1997). Dans la même optique, Baron et al. (1986) mettent en avant la surreprésentation des femmes dans les postes présentant peu de perspectives d’avenir.
Par ailleurs,
les stéréotypes de genre mettent en avant le fait que les femmes sont moins
attirées par le pouvoir et les postes à responsabilités. Ainsi, ces croyances
partagées nous poussent à croire que si les femmes ne se dirigent pas vers les
postes de responsabilités, c’est par choix, et non par contrainte (ORSE, 2004).
Il semble évident que ce genre de croyances contribue à maintenir les inégalités
hommes-femmes.
Les stéréotypes
de genre orientent également le choix des études. En effet, dès le lycée, filles
et garçons choisiront bien souvent des filières consistantes avec les attentes
sociétales relatives à leur sexe. Parallèlement à cela, les stéréotypes
véhiculés durant toute la scolarité poussent inconsciemment les jeunes filles à
s’imposer des barrières (ORSE, 2004). Tout ceci a pour conséquence de les
inciter à s’orienter vers les filières les moins scientifiques.
Enfin,
précisons que ces stéréotypes sont vivaces et très résistants, ce qui est
d’autant plus vrai pour les hommes. En effet, selon Brenner et al. (1989), les
femmes managers associent moins un rôle sexuel au métier de manager, tandis que
leurs collègues masculins gardent une vision masculine du poste de manager. Dès
lors, la rareté des femmes dans les postes à hautes responsabilités peut
s’expliquer par ce phénomène.
L’exclusion des femmes des hautes sphères de décision peut aussi s’expliquer par le concept d’homophilie. L’homophilie, c’est la tendance qui nous pousse à préférer fréquenter les gens du même sexe que nous, en dehors des relations amoureuses et/ou sexuelles. Lipman-Blumen (1976) a proposé une définition plus complète, et remplacé le terme d’homophilie par celui d’homosocialité (en anglais : homosociality), qui fait référence aux attractions de nature non sexuelle des hommes (ou des femmes) envers les membres de même sexe qu’eux.
Concrètement, cela signifie donc qu’au sein des entreprises, les hommes préfèrent « rester entre eux », au détriment des femmes. Ce phénomène peut s’expliquer par le besoin de maintenir les normes, de perpétuer l’ordre social en lien avec le genre (Connell, 1992), de favoriser une distinction claire entre hommes et femmes et, de cette façon, de maintenir les normes favorables à l’hégémonie (c'est-à-dire au pouvoir) des hommes (Lipman-Blumen, 1976). Entre eux, les hommes perpétuent des normes liées à leur sexe, à la masculinité, comme par exemple la compétitivité (Gilligan, 1982) et l’objectification des femmes (Johnson, 1988).
Il est très
difficile pour les femmes de lutter contre ce phénomène, puisqu’il ne s’agit pas
de discrimination concrète et objective, mais bien de normes sociales, de
croyances, de valeurs véhiculées de façon implicite. Les
attitudes sexistes
Une autre explication pour le plafond de verre est celle des
attitudes sexistes. Il convient d’emblée de différencier les deux composantes du
sexisme : le sexisme hostile et le sexisme bienveillant (Glick & Fiske,
1996). Le premier s’apparente à la misogynie, et
correspond à la conception traditionnelle du sexisme : une attitude
négative à l’égard des femmes qui sont vues comme hostile envers
les hommes, cherchant à prendre leur pouvoir et à la manipuler. Le second
s’apparente plus au machisme, et est défini comme « un ensemble d’attitudes
intercorrélées à l’égard des femmes ». Ces attitudes sont sexiste car elles
représentent les femmes de façon stéréotypée et les confinent à certains rôles,
mais elles ont un ton affectif positif pour le percepteur et tendent à susciter
chez lui des conduites typiquement catégorisées.
Le sexisme peut être considéré
comme un obstacle à la progression professionnelle de la femme. En effet,
certains auteurs ont mis en évidence le fait que les hommes
sexistes sont plus enclins à considérer le leadership comme étant une
caractéristique propre à l’homme (Kanter,1977; Reskin & Hartmann, 1986). De
plus, B. M. Masser et D. Abrams (2004) ont mené une étude
afin
d’explorer l’impact du sexisme sur l’évaluation et la discrimination des femmes
dans le domaine du travail. Les résultats de cette étude ont montré que le
sexisme hostile est lié à une évaluation négative d’une femme candidate pour une
poste généralement associé aux hommes. Á l’inverse, le sexisme bienveillant
semble, quant à lui, ne produire aucun effet dans les mêmes conditions. Les
conséquences négatives du sexisme bienveillant ne se manifesteront que dans le
cas où une femme ne se comporterait pas comme le stéréotype traditionnel de la
femme épouse/mère le voudrait (Abrams & al. 2003 ; Viki & al., 2003 ; B. M.
Masser, 2004). Le sexisme hostile, quant à lui, est associé à des évaluations et
des considérations négatives des femmes dans les cas où celles-ci présenteraient
une menace pour le statut de l’homme dans l’entreprise. Dès lors, une femme
postulant pour un poste généralement réservé aux hommes sera vue comme menaçante
par ceux-ci. Dans cette situation, le sexisme hostile aura pour conséquence le
renforcement du plafond de verre afin de maintenir les femmes aux postes qui
leur sont généralement attribués, c’est-à-dire aux postes à faibles
responsabilités (Glick & al. 1997 ; B. M. Masser & D. Abrams, 2004). Des réseaux plus limités
Depuis toujours, les femmes sont moins présentes dans les réseaux formels et informels, internes ou externes à l’entreprise. Ces réseaux sont pourtant très importants pour leur évolution professionnelle. Higgins et Kram (2001) définissent les réseaux en affirmant qu’il s’agit de « l’ensemble des personnes nommées par un protégé qui prennent un intérêt actif et agissent pour l’avancement de sa carrière en fournissant une aide pour le développer ». Les réseaux regroupent notamment les mentors, les coachs, les parrains, les pairs, etc. Leurs deux fonctions principales sont le soutien à la carrière ainsi qu’un soutien psychosocial. Selon Schor (1998), les hommes et les femmes ont une approche différente des réseaux. Ainsi, les femmes ont plus de difficultés à accéder aux réseaux, et ne peuvent s’y consacrer que sur le temps de travail, par manque de temps dû à la répartition inéquitable des tâches ménagères et familiales. Dès lors, elles auront bien moins accès aux réseaux informels en dehors du lieu de travail. Notons par ailleurs que cette plus grande difficulté d'accès des femmes aux réseaux amicaux informels (majoritairement constitués d'hommes) peut également s'expliquer par un concept que nous avons développé ci-dessus: l'homophilie. Aussi, alors que les réseaux masculins favorisent l’avancement de leur carrière, ceux des femmes restent principalement axés sur le soutien et le partage d’informations. Il est intéressant de confronter cela avec l'approche de Brass (1985). Cet auteur situe le problème au niveau du manque de femmes dans les réseaux centraux, qui sont ceux sont qui comptent le plus de personnes influentes et le plus de promotions. Plus précisément, les hommes et les femmes ne présenteraient pas une approche différente de la construction des réseaux. Le problème principal selon Brass (1985) est que les réseaux ont tendance à rester non mixtes. Dès lors, par construction, les femmes se retrouvent dans des réseaux les moins centraux de l’organisation, ce qui diminue leur pouvoir d'influence et leurs opportunités de promotion. Par ailleurs, à la différence des hommes, les femmes semblent être défavorisées au niveau du parrainage. Même si certains auteurs suggèrent de reconceptualiser le parrainage, nous nous appuierons ici sur la définition donnée par Ragins (1989). Cet auteur définit le parrain comme étant « un individu d’un rang supérieur et influent qui a beaucoup d’expérience et de connaissances sur votre environnement de travail et qui s’attache à favoriser votre mobilité verticale et votre carrière. Votre parrain peut ou non être dans votre organisation ou être votre supérieur hiérarchique direct ». Selon une étude de Schor (1998), seule la moitié des hommes ayant un poste à hautes responsabilités ont bénéficié d’un ou plusieurs parrains. La situation est bien différente pour les femmes, puisque la totalité des femmes présentes en haut de l’échelle ont bénéficié d’un ou plusieurs parrainages. Alors que le parrainage semble être indispensable pour l’avancement des femmes, il semblerait que l'accès des femmes aux relations de parrainage soit entravé par de nombreux obstacles (Noe, 1988). Une étude menée par Catalyst en 2001 confirme l'importance du parrainage des femmes, puisqu’il en ressort que 61% des femmes européennes et 70% de leurs homologues américaines affirment que le manque de parrainage constitue l’un des obstacles principaux à leur avancement professionnel.
![]() |